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Regard du Président de La Coulisse sur la science-fiction

Du lien étroit entre Science et Science-fiction

 

"Imaginaires et Représentations des Sciences et des Techniques" par Charles LECELLIER, Président de La Coulisse, chercheur CNRS à l'Institut de Génétique Moléculaire et au LIRMM de Montpellier.

La Coulisse propose un travail approfondi et pratique sur une exploration singulière des connaissances. Passant par la sensibilité et l’imaginaire, cette analyse offre un autre regard sur les savoirs, un regard nourri de ce qui nous façonne en tant qu’êtres de perception. Cela m'amène à relier une question qui m’est chère, celle de la Science-Fiction.

La question de ce que la Fiction fait aux Sciences se pose depuis les premiers écrits de Science-Fiction, forme populaire s’il en est. La Fiction faisant la part belle aux Sciences ? Les Sciences proposant de déployer la Fiction ?

La Science-Fiction désigne des faits ou des choses irréelles, créés à partir de l’imagination, qui reposent sur des phénomènes obéissant à des lois issues de l’activité scientifique, qui peuvent donc être éprouvées expérimentalement.

 

Le besoin de vraisemblance est immanent à une œuvre de Science-Fiction.

 

Aldous Huxley, dans la préface de son « Meilleur des Mondes », dit lui-même qu’ “un livre sur l’avenir ne peut nous intéresser que si ses prophéties ont l’apparence de choses dont la réalisation peut se concevoir”. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux auteurs de Science-Fiction aient un lien plus ou moins direct avec le monde universitaire, voire une formation scientifique solide dont on retrouve des traces dans leurs œuvres.

Par ailleurs, la Science-Fiction accompagne souvent les avancées scientifiques :

  • Jules Verne décrit les exploits merveilleux de la Science en 1870, dans “Vingt mille lieues sous les mers”, où le Nautilus est un sous-marin à propulsion électrique (idée inspirée par la découverte de la Fée Electricité) et non à vapeur, le mécanisme de propulsion envisagé à l’époque,

  • Greg Bear voit paraître son « Echelle de Darwin » en 1999 c’est-à-dire l’année précédant la découverte d’une protéine de rétrovirus endogène, partie intégrante de notre patrimoine génétique et à l’origine de la formation du placenta chez les mammifères.

Ce que montrent ces deux exemples, c’est que la Science-Fiction, si elle exploite les avancées scientifiques, devance toujours la Science. Tout simplement parce que la Science-Fiction, bien que s’inspirant du réel, n’est pas contrainte par les lois de la réalité.

La Science-Fiction apparaît comme une projection intellectuelle des théories scientifiques. On trouve des fictions de la Science dans les œuvres de Science-Fiction.

Une œuvre de Science-Fiction pourrait donc s’apparenter à une expérimentation mentale qui s’affranchit des contraintes et des limites du réel, au même titre qu’une percée scientifique s’affranchit des contraintes et des limites des paradigmes, et qui offre un nouveau regard sur les possibilités et les extrapolations de la Science contemporaine.

 

En ce sens, la Science-Fiction nous offre un portail d’ouverture sur les développements technologiques de la Science, et donc sur l’avenir.

 

Mais elle ne fait pas qu’envisager les développements futurs des technologies contemporaines. La Science-Fiction anticipe également les limites des innovations et nous offre la possibilité de réfléchir à leurs développements avant même l’apparition de leurs dérives.

 

Prenons l’exemple classique de dystopie, que nous avons évoqué ci-dessus, “Le meilleur des mondes” d’Aldous Huxley, paru en 1932, dont le succès l’a conduit à être souvent considéré comme une œuvre de littérature générale.

Ce livre décrit une société fondée sur l’existence de castes : de l’élite intellectuelle dirigeante (les Alpha) aux castes inférieures (les Delta et les Epsilon) dévolus aux fonctions pénibles. L’appartenance à l’une de ces castes et les modifications physiologiques et psychologiques requises sont décidées in vitro puisque la procréation naturelle a été abolie et est même considérée comme un sujet tabou.

Par ailleurs, chacun des membres de la société est conditionné pour consommer et pour participer, par ses loisirs, à l’activité économique. Chaque homme est également obligé de participer à la vie sociale (la solitude est une attitude suspecte).

Il est admis qu’Aldous Huxley critique, dans ce chef d’œuvre, non seulement les conséquences des attitudes eugéniques répandues à l’époque – le frère d’Aldous Huxley n’était autre que Julian Huxley, éminent généticien et partisan de l’eugénisme – mais également les méfaits d’une société strictement centrée sur la consommation et dans laquelle l’homme est présenté comme dénué de volonté propre, forcé à consommer, maintenu heureux et dépourvu de revendications par une drogue, le Soma.

Par la suite, de nombreuses dystopies ont revisité ces thèmes. Regardons, dans cet héritage, “Bienvenue à Gattaca” de Andrew Niccol, film réalisé en 1998.

Ce sont donc des atouts à la fois épistémologiques et éthiques que déploie le domaine de la Science-Fiction. Poursuivons son exploration !

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